Un film de Noël tunisien
Toujours aussi pointue, la programmation d’Arte nous donne un avant-goût des fêtes en diffusant Baba Noël ce jeudi 20 décembre à 22h40. Ce court métrage de fiction est réalisé par Walid Mattar, cinéaste tunisien résidant en France. À travers la figure du Père Noël, symbole d’une culture certes chrétienne, mais surtout consumériste occidentale, littéralement endossée par le personnage principal du film, Mattar aborde avec un humour mordant la situation des sans papiers tunisiens en France, sans pour autant tomber dans le didactisme pontifiant ou la métaphore facile. Nous avons rencontré le réalisateur qui raconte le processus créatif de son œuvre.

jeudi 20 décembre à 22h40 sur Arte.
Les Cahiers de l’Orient : Les spectateurs n’imaginent pas toujours la logistique nécessaire à la production d’un court métrage… pourriez-vous nous en donner une idée ?
Walid Mattar : Lorsque c’est fait dans les règles (payer tout le monde, y compris les figurants, louer les lieux de tournage, le matériel…) le coût d’un court métrage en France peut atteindre 150.000 euros. Malheureusement il y peu de court métrages qui se font avec un tel budget. Pour la production d’un court, on passe par les étapes classiques : écriture, financement, préparation, tournage et postproduction, ainsi que la gestion de la diffusion dans les festivals. C’est donc le même processus que pour un long métrage en un temps plus réduit. Ainsi, pour Baba Noël, l’écriture et le financement ont nécessité un peu plus d’un an, auquels s’ajoutent un mois et demi de préparation, une semaine de tournage et trois mois de postproduction.
Comment le film a-t-il été reçu par le public international ? Les spectateurs tunisiens ont-t-ils eu l’occasion de le voir ?
Le film a eu des bons retours pendant les projections. Le public a très bien réagi, les gens ont passé un bon moment, est c’est l’essentiel. J’ai assisté à la projection à Tunis dans le cadre des Journées cinématographiques de Carthage, où le public tunisien a bien entendu particulièrement été sensible à l’humour de certaines scènes du film.
Vous évoquez sur le ton de l’humour la pression familiale sur les Tunisiens expatriés, chargés de ramener monts et merveilles à leurs proches : est-ce une situation réelle ou anecdotique ?
La situation est bien réelle ! Les gens continuent à avoir cette image de l’Europe où on peut tout avoir pour pas cher… Il y a seulement un peu d’exagération dans le film, afin d’accentuer le rôle du Père Noël joué par le personnage dans sa vraie vie, au sein de sa famille.
Le film contient beaucoup d’allégories, notamment celle du Père Noël. Avez-vous d’abord construit un scénario autour de ce symbole, ou l’allégorie est-elle venue plus tard ?
L’idée est venue du fait que le Père Noël est un déguisement idéal, permettant à un sans papiers qui exerce ce métier de rester dans l’anonymat. Les éléments développés avec Thomas Cailley dans le scénario s’articulent autour du double sens « baba noël en France » et « baba noël pour sa famille » au pays. Le fait de se déguiser en Père Noël est contre la culture du protagoniste, du coup il y avait des questions à se poser sur l’identité face aux besoins de la vie.
La Tunisie est aujourd’hui en pleine ébullition. Craignez vous un durcissement de la censure ou êtes-vous optimiste ?
En réalité, je ne choisis pas mes sujets à l’avance ni les films que je vais faire. Les idées arrivent et je les développe sans penser à la censure. La liberté est dans la tête, je ne me pose même pas de questions. J’ai tourné des cours métrages engagés sous Ben Ali (Fils de Tortue, Condamnations…). Dans mes films il y a des gros mots, ce qui n’est pas habituel en Tunisie, mais je pense ne pas eu de problème parce que je ne suis pas provocateur. Je ne peux être ni optimiste ni pessimiste, car c’est une question que je ne me pose pas.
Propos recueillis par Sabine Salhab.
Baba Noël de Walid Mattar (France, 2012, 16 mn)
Jeudi 20 décembre 2012 à 22:40
Rediffusion vendredi 21 décembre à 02:40
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