Le monde arabe dans la longue durée. Le « printemps » arabe ?

Le monde arabe dans la longue  duréeLe Moyen-Orient (Égypte, Syrie, Mésopotamie et Iran occidental) a toujours occupé une position stratégique, représenté une plaque tournante pour toutes les anciennes civilisations, période suivie d’un long déclin. À l’époque moderne, au début du XIXe siècle, Mohammed Ali avait préparé un projet de rénovation de l’Égypte et de ses voisins immédiats du Machrek arabe. Les Britanniques s’y opposèrent. À la fin de la Première Guerre mondiale et jusqu’en 1967, les Égyptiens voulaient mettre en place un système démocratique, porteur du progrès social et de l’indépendance nationale. Ce fut l’objectif des pays non-alignés réunis à Bandoeng en 1955. 

Une période de reflux (1967-2011) qui couvre presque un demi-siècle a vu s’imposer, dans certains pays arabes, un libéralisme mondialisé qui permit aux États-Unis de sauvegarder leurs intérêts dans la région. Partout, les USA avancent : « Le marché décide de tout. Le Parlement (lorsqu’il existe) de rien ». Cette réalité vaut aussi bien pour le Moyen-Orient que pour les démocraties occidentales et les pays de l’ex « Tiers-monde’ dont certains sont devenus émergents. 

En Égypte, deux décisions prises durant l’ère Sadate-Moubarak vont précipiter ce pays dans la pauvreté et le recours à l’islam radical. D’une part, l’État égyptien a négocié la paix sociale en transférant aux Frères musulmans la responsabilité de gérer l’éducation, la justice et la télévision, et d’autre part, Sadate a fait modifier l’article 2 de la Constitution (« la Chari’a est la source du droit »). C’est ce même article 2 que les islamistes espèrent utiliser pour instaurer un régime théocratique en Égypte. À signaler que ce texte a été introduit avec le soutien de Washington (« respecter les traditions »), de Riyad (« Le Coran tient lieu de Constitution’) et de Jérusalem (« L’État d’Israël est un État juif »). Samir Amin a beaucoup d’estime pour les pays ayant participé à la conférence de Bandoeng, qui n’a pourtant pas conduit à l’émergence d’une force tiers-mondiste capable de faire le poids face aux deux grands de l’époque,  américain et soviétique. 

Enfin, l’auteur reprend une partie des thèses des altermondialistes et autres pourfendeurs du système capitaliste qui se sont pleinement imposées après la chute de l’Union soviétique en 1991. Son discours est assez bien rodé en Occident où les opposants au système capitaliste ont les moyens financiers et techniques de faire connaitre leurs idées. Or, pour le moment, leur stratégie n’a pas ébranlé le capitalisme mondialisé. Pour l’auteur, la « double adhésion à la soumission au marché et au projet d’Etat théocratique ne permet pas de faire des progrès dans le cadre d’une vraie démocratisation de la société, du progrès social et de l’adoption de postures anti-impérialistes ». Un livre enrichissant par sa dénonciation de l’expansion du système capitaliste au XXIe siècle, son refus de la fatalité qui a trop longtemps monopolisé les opinions publiques résignées.

Matthieu Saab, le 17/ 08/2012

Samir Amin, 2011, Le temps des cerises, 252 p. 17 €

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