Wadjda : le premier film tourné en Arabie séoudite

Haifaa Al Mansour et la jeune actrice Waad Mohammed (à gauche) au 69e Festival du Film de Venise (Pascal Le Segretain/Getty Images Europe)

On peut désormais écrire les mots réalisatrice et séoudienne dans la même phrase grâce à Haifaa al Mansour, dont le premier long métrage de fiction intitulé Wadjda sort aujourd’hui sur les écrans français. La réalisatrice y met en scène une petite fille de douze ans, qui rêve de s’acheter un vélo pour faire la course avec son ami Abdallah – une activité normalement réservée aux garçons. Résolue à financer seule cet achat, elle décide de participer au concours de récitation coranique de son école.

La détermination du personnage principal fait écho à celle de la cinéaste, qui a dû affronter plusieurs tabous du conservatisme séoudien avant de parvenir à ses fins. Son éducation très libérale, la cinéphilie transmise par son père, ainsi que ses études de lettres à l’université américaine du Caire puis de cinéma à Sydney, en Australie, y sont certainement pour quelque chose. Encensé par la critique, Wadjda a notamment obtenu en août 2012 trois prix, dont celui du Meilleur film Art et Essai, au Festival du Film de Venise.

Wadjda n’est pas le premier film séoudien, mais c’est le premier qui est tourné sur place, avec l’aval des autorités, et joué par des acteurs locaux, notamment Reem Abdullah, star télévisuelle qui apparaît pour la première fois au cinéma. C’est aussi un film de femme(s), la réalisatrice voulant dénoncer en douceur les conditions de vie de ses compatriotes, soumises à d’innombrables interdits qui les rendent quasiment invisibles dans la société séoudienne. Son premier long métrage, Femmes sans ombres, un documentaire sélectionné dans de nombreux festivals internationaux, traitait déjà de la vie cachée des femmes du Golfe.

Soutenue par le prince Walid Ben Talal, Haifaa al Mansour réussit le pari de réaliser un film au sein du royaume wahhabite avec le soutien financier des Studios Rotana, alors même qu’il n’existe pas de salles de cinéma dans ce pays, qui a longtemps jugé le septième art comme contraire aux bonnes mœurs. Le public local pourra cependant découvrir cette œuvre par le biais des DVD ou des chaînes télévisées du câble. L’absence d’industries cinématographiques nationales dans les pays du Golfe n’est d’ailleurs plus uniquement imputable à la méfiance des religieux traditionalistes envers toute représentation, puisque les feuilletons télévisés produits par ces mêmes pays connaissent un grand succès local. Il faut plutôt regarder du côté des facteurs économiques, du manque d’infrastructures, de l’absence de formation des aspirants cinéastes ainsi que du poids de la censure qu’il ne faut pas négliger.

Wadjda_afficheLes dirigeants locaux semblent cependant avoir compris à quel point la vitalité cinématographique est une formidable vitrine pouvant redorer l’image de pays jugés très autoritaires en Occident, et encouragent depuis quelques années les initiatives qui mettent en avant ce dynamisme culturel. Ainsi le festival des cinémas du Golfe, qui se tient à Dubaï depuis 2008, révèle-t-il chaque année de nouveaux cinéastes. Le succès économique de ce film est donc un enjeu majeur pour tous les aspirants cinéastes de la région, un éventuel succès moyen-oriental et/ou international pouvant encourager les investisseurs locaux à financer de nouveaux projets.

Sabine Salhab

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