Voile intégral en France, sociologie d’un paradoxe

Maryam Borghée

Le Coran ne présente pas le niqâb, ou voile intégral (qui couvre la totalité du visage, à l’exception des yeux), comme un signe de la soumission de la femme à Dieu ou aux hommes. Selon les écoles méthodologiques, il n’y a pas d’unanimité sur cette question. Certains estiment que le niqâb est une « prescription conseillée » (sunna mustahâb)d’autres une « prescription fortement recommandée » (sunna mu’akkadah)ou alors une « pratique obligatoire » (fard ou wâjib). Les femmes intégralement voilées peuvent appartenir au Tablîgh pour la Da’wa, au salafisme pour la pratique de la Sunna, aux Ikhwan (Frères musulmans, NDLR) pour leur engagement religieux, aux Soufis pour leur spiritualité et même aux chiites pour l’amour qu’ils portent à la famille du Prophète.

Une étude sociologique a permis de déterminer qu’en France, les femmes qui portent le niqâb ont connu un parcours difficile, où se mêlent violence familiale, précarité sociale et parfois fragilités psychologiques. Le port du niqâb constitue l’aboutissement cohérent d’une série de choix « stratégiques » dont le but est de mettre fin à une situation précaire ou potentiellement dangereuse pour le musulman, en quête de repères et de points d’ancrage à cause d’une absence de tissu familial et social solide. En France, les considérations d’ordre ethnique organisent les inégalités sociales (délit de faciès, discrimination à l’embauche, octroi du logement social…). L’acte de porter le voile intégral vient souvent chez des femmes qui ont connu divers échecs liés à cette situation. C’est le rejet du système, le désir de revanche qui entraîne ce choix. La loi du 15 mars 2004, qui encadre le port du voile et de tous signes d’appartenance religieuse, a été mal vécue par les jeunes musulmanes, pour qui elle constitue un rejet de l’islam.

Selon les Tablîghi, le vieux continent est une terre de prédication, raison pour laquelle l’enseignement du français aux plus jeunes est nécessaire. Mais, en majorité, les femmes françaises converties à l‘Islam ne transmettent pas à leurs enfants la langue française qui est considérée comme « langue du kouffar » (du mécréant). Cependant, ces femmes ne peuvent en général éviter l’obligation de scolariser les enfants en France. 

L’auteur estime qu’en France, il y a un profond malaise quant au port du voile intégral. Cela étant, en 2009, Brice Hortefeux déclare qu’il y a en France environ 1.900 femmes seulement qui portent le niqâb. Ce nombre permet de dédramatiser le débat, ce que ne font pas toujours les médias et ce que Maryam Borghée a manqué de souligner. Son travail devrait cependant être connu du plus grand nombre, et cela surtout afin de relativiser les problèmes liés à l’intégration des femmes musulmanes dans leur environnement occidental.

Matthieu Saab, 17/08/2012

Maryam Borghée, Éditions Michalon, 2012, 253 p. 18€

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